13. Un officier sud-vietnamien
Le témoin : Trân Thuc Vu :
– Né dans le Nord ViêtNam
– Officier d’observation aérienne de la 219e escadrille Head hunter
– Adjoint au QG de la guerre psychologique de la province de Bình Dinh
– Adjoint au PC des opérations de zone de Bình Dinh
– Après 1975, emprisonné 12 ans dans les camps du Nord-ViêtNam (la 1ere fois)
– Emprisonné une 2e fois pendant 6 ans sous l’inculpation ‘‘a essayé de renverser le gouvernement’’
– Extradé hors du ViêtNam en septembre 1998
– Vit actuellement en Californie
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Un officier sud-vietnamien
(Mãnh Su’ Nguyên Manh Tuòng)
La province de Bình Dinh est la plus grande du Sud-ViêtNam avec 10 000 km carrés. Depuis le col de Cù Mông jusqu’au col de Bình Dê, la province fait 120 Km de long ; du cap Mui Phuong Mai jusqu’à la ville de Pleiku , elle fait 90 Km de large. Les trois quarts de sa surface sont recouverts de montagnes qui abritent les troupes nord-vietnamiennes.
En 1972, le colonel Nguyên Van Chuc, gouverneur de la province de Bình Dinh et responsable de la zone militaire du même nom, demande au GQG de Sàigon de lui envoyer des lieutenants-colonels de toutes les spécialités en renfort. Sa demande est exaucée et 30 lt-colonels doivent venir s’installer dans la province.
Parmi eux, le lieutenant-colonel Nguyên Manh Tuòng qui était jusqu’alors directeur du Centre des Opérations de la 2e armée.
Grâce à son charisme et à sa compétence, doublés d’une humanité plutôt rare chez un militaire, M Nguyên Manh Tuòng redresse le moral des troupes et reprend en mains les forces locales Dia-Phuong-Quân. Ces derniers ont la mauvaise réputation de ‘‘combattants de 2e ordre’’, alors qu’en fait, ils sont toujours face à l’ennemi, dotés d’un armement vétuste (certains ont encore comme arme individuelle le vénérable MAS 36* ou la gentille petite carabine US M1 semi-automatique).
Le lieutenant colonel réorganise les forces locales, choisit lui-même les hommes de valeur pour les envoyer faire des stages de commandement, dote ces forces d’armes plus récentes et s’occupe personnellement de leur ravitaillement. En quelques mois les forces locales acquièrent la valeur d’une unité combattante ‘‘normale’’.
* MAS 36 : fusil à verrou fabriqué par la manufacture d’armes de St Etienne en 1936.
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Grâce à M Nguyên Manh Tuòng, plusieurs victoires sont enregistrées dans la province de Bình Dinh, victoires sur l’ennemi mais aussi victoire sur le plan mental.
Une des ‘‘oeuvres’’ les plus remarquables de M Nguyên Manh Tuòng est peut-être l’opération qui consiste à briser l’encerclement de la base Dê-Gi.
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La base Dê Gi
(Trân danh giãi toã Dê Gi)
La base Dê Gi se trouve sur une langue de terre donnant sur une embouchure de la mer de l’Est, entre les deux districts de Phù My et Phù Cat (province de Bình Dinh). La base est placée sous la direction du commandant de marine Cat. Au nord de la base, sur une petite montagne se trouve une tour d’observation, Dài Kiêm Bao. A l’ouest la nationale 1 serpente le long d’une rivière qui se déverse dans un lac nommé Dâm Nuoc Ngot (Lac de l’eau douce) Dê Gi est une base d’observation ultra-sophistiquée donnant sur la mer et capable d’en contrôler une grande partie.
Début janvier 1973 : La porte maritime de Sa Hùynh (située à l’extrême-nord de la province de Bình-Dinh) a été reprise par les soldats de notre 2e division, coupant ainsi tout le ravitaillement en nourriture et en armement de l’ennemi. D’autre part, les forces communistes qui étaient très présentes dans les montagnes de Bình Dinh sont maintenant pourchassées par les forces locales Dia-Phuong-Quân qui se battent aussi vaillamment que des rangers.
L’Etat-Major communiste est courroucé et impatient de s’emparer au moins d’une porte maritime, en vue des négociations qui auront bientôt lieu. Le général Rouge Chu Huy Mân est obligé d’accepter le plan d’attaque proposé par son commandant Võ Van Ung. Ce dernier ne lui a-t-il pas déjà signé une ‘‘promesse d’éclatante victoire’’ ?
Le 27 janvier 1973, jour de la signature des accords de Paris (vive la paix !), l’offensive communiste se déclenche (vivent les signatures des accords !)
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La tour d’observation au nord de la base, gardée par quelques marins de la 21e brigade côtière tombe très vite aux mains des ennemis, largement supérieurs en nombre.
La montagne Gênh qui surplombe la base Dê Gi était sous la garde d’une unité sud-coréenne qui s’est retirée sans prévenir qui que ce soit. Les Rouges s’y installent avec canons et bagages.
8 h du matin, le 27 janvier 1973, la première heure de l’entrée en vigueur des accords de cessez-le-feu signés à Paris : Des milliers d’obus tirés de la montagne Gênh et de la tour d’observation tombent sur la base Dê Gi.
Tactique classique : après le bombardement, les marées humaines. Les marins de la base se battent à 1 contre 10 mais réussissent à repousser l’ennemi.
Par porte-voix, les communistes appellent alors les marins à la reddition. Le commandant de marine Cat reproche alors aux Rouges de violer les accords de Paris, ce à quoi le commandant communiste Vo Van Ung répond avec une mauvaise foi :
– « Selon l’heure de Hà-Nôi, ce n’est pas encore l’heure d’entrée en vigueur du cessez-le-feu ».
Pour impressionner les défenseurs de la base, le commandant communiste coupe la tête d’un pauvre Dia-Phuong-Quân (force locale sudiste) qu’il a capturé et fait transporter le corps décapité à la base, avec ces mots :
« Se rendre, c’est vivre ; résister c’est la future décapitation pour tous ».
Loin d’impressionner les marins de Dê Gi, cet acte barbare perpétré par un ‘‘officier’’ ne fait que renforcer la détermination des défenseurs de Dê Gi. Même les cuisiniers de la base demandent à ‘‘faire le coup de feu’’ sur ces sal…
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De nouveau les bombardements reprennent, puis les marées humaines. Mais Dê Gi tient bon et des dizaines de cadavres des assaillants jonchent le périmètre de la base.
Cette première violation des accords de Paris est portée à la connaissance des 4 délégations étrangères chargées du contrôle du cessez-le-feu. Le chef de la délégation polonaise ne peut nier l’évidence et est obligé de signer le procès verbal (ce qui lui vaudra d’être limogé un peu plus tard).
Sur ordre du GQG de Sàigon, l’Etat-Major de la 2e armée se réunit à l’aéroport de Phù-Cat (sur le 14e parallèle, dans la province de Binh-Dinh) pour contrer l’encerclement de la base Dê-Gi. Sous l’autorité du général 3 étoiles Nguyên Van Toàn, patron de la 22e division d’infanterie, les officiers sont en train d’échaffauder des plans quand un télex urgent venant de la Présidence-même désigne le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng comme chef suprême des opérations.
On saura plus tard que les habitants des deux districts Phù-My et Phù-Cat ont demandé expressément au président de la république sud-vietnamienne, par l’intermédiaire de leurs députés, de nommer le lieutenant-colonel Nguyên manh Tuòng comme commandant des opérations de brisure d’encerclement de la base Dê Gi.
En effet, les habitants de la province se souviennent que toutes les opérations menées par le lieutenant-colonel Tuòng dans la région furent peu coûteuses en vies humaines et en habitations pour les civils.
Le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuong accepte la mission qu’il baptise ‘‘An-Dân’’ (rapporter la paix au peuple) et demande l’autorisation de ne rien dévoiler de ses plans d’opération, même à ses collègues.
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Cette manie du secret a déjà porté ses fruits au cours des opérations précédentes et le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuong a l’habitude d’agir sans en référer à ses supérieurs ni au Centre des Opérations de la province.
Pour la brisure d’encerclement, le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuong dispose de 7 jours et des unités suivantes :
– 3 bataillons de la 22e division d’infanterie
– 1 régiment de cavalerie avec chars M 113
– 1 bataillon d’artillerie
– 1 compagnie de reconnaissance (trinh sat)
– 1 batterie de 115 mm
– 1 bataillon de forces locales Dia-Phuong-Quân
– et le 7e groupe de bataillons Biêt-Dông-Quân (rangers) ramené de la 1ere zone militaire, comme forces de réserve.
Le rapport des forces est de 3 à 5 en faveur de l’ennemi.
Le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuong demande qu’une compagnie de Biêt-Dông-Quân soit missionnée pour reprendre la tour d’observation située au nord de la base, tandis qu’une compagnie de reconnaissance de la 22e division aille bouter les Rouges hors de la montagne Gênh.
Le patron de la 22e division, le général Phan Dình Niêm, un peu jaloux de ce colonel, rejette la requête en prétextant l’état de fatigue de ses ‘‘recon’’ ; ce à quoi le lieutenant colonel répond avec un sourire :
– « Dans ce cas, je prendrai une compagnie de mes forces locales Dia-Phuong-Quân. »
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Les forces locales Dia-Phuong-Quân ont souvent une réputation de ‘‘pantoufflards’’ ou de combattants de seconde zone… mais les DPQ de la province Bình-Dinh, sur l’initiative du lieutenant colonel Nguyên Manh Tuong, sont devenus depuis longtemps une unité bien entraînée, comparable à une bonne unité d’infanterie.
Après la réunion, le lieutenant colonel Tuòng s’entretient directement avec le lieutenant Phuoc des forces locales et lui demande de surprendre les Rouges de la montagne Gênh, dans le laps de temps le plus court. Le lieutenant Phuoc répond :
– « Depuis ma tendre enfance, j’ai gardé les buffles dans ces parages et je connais chaque caillou, chaque arbuste de cette montagne. Je vous promets qu’en trente minutes, je ficherai en l’air ces ‘‘sal…’’. La meilleure méthode, c’est à coups de grenades.
– C’est ce que je pense aussi. Votre réussite vous vaudra le galon de capitaine.
– J’espère que vous ne me l’épinglerez pas à titre posthume.
– Pas de mauvaise pensée, ‘‘capitaine’’, sinon vous arroserez votre nouveau grade avec du mauvais alcool de riz ! »
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Jour J, Heure H – quelques heures :
Silencieusement les forces locales Dia-Phuong-Quân progressent dans les forêts qui recouvrent les montagnes de Bình Dinh. Comme il le dit lui-même, le lieutenant Phuoc connaît chaque caillou de ces parages et marche devant. Ses hommes portent chacun des sacs contenant des grenades et un bidon d’eau ; certains sont armés de baïonnettes de récupération ou de pieux, d’autres plus rares possèdent un Colt 45 (pistolet semi-automatique à 7 coups) avec interdiction de s’en servir avant l’heure H.
A un moment donné, un petit ruisseau coupe la progression. Rien de gênant, sauf que de l’autre côté de la rive court un filet de plus de 2 mètres de haut et dont la partie inférieure est arrimée dans l’eau. Derrière le filet, deux sentinelles Viêt-Công dont un semble plutôt éméché, car il chante des chansons se moquant du ‘‘vénérable’’ oncle Hô (dirigeant communiste mort en 1969) Ce dispositif tout simple arrête toute tentative d’infiltration.
Le lieutenant Phuoc réunit ses adjoints en un petit conseil de guerre :
– Si l’on essaie de contourner l’obstacle, on arrivera trop tard sur l’objectif.
– Si nous traversons à la nage, mon lieutenant, nous nous heurterons au filet. Mais on peut liquider les deux sentinelles sans problème.
– Non, trop risqué. Toute la mission repose sur la discrétion absolue et s’il y a un seul coup de feu tiré, toute l’opération capote, et nos amis les Biêt-Dông-Quân risqueraient aussi d’être ‘‘attendus’’ de leur côté.
– Que faire ?
– Thiêt, il paraît que tu as un homme qui grimpe aux arbres comme un singe ?
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– Mieux que les singes, patron, répond Thiêt. U-Mê (c’est un nom d’autochtone) bat même les singes de vitesse dans les concours de cueillette de noix de cocos.
– Tant mieux, voilà ce qu’il va faire… »
L’instant d’après, le montagnard U-Mê traverse le ruisseau par la voie aérienne : il grimpe à un arbre, tend une perche qui repose sur un arbre planté sur l’autre rive, et traverse. Quand U-Mê atterrit de l’autre côté, il se retrouve alors à cinquante mètres des deux sentinelles.
Le temps de courir à travers la forêt et U-Mê neutralise les deux sentinelles, l’un d’un coup de baïonnette, l’autre d’un coup de pied. Il lance le signal convenu avant même d’ouvrir le filet avec sa lame. Phuoc est le premier à le rejoindre à la nage.
(U-Mê, après la débâcle de 1975, s’est réfugié dans les montagnes du Laos, mais sa famille lui manquait et il est revenu 2 ans plus tard… pour se faire décapiter. Ses enfants ont été envoyés dans un ‘‘orphelinat’’ du Nord et on ne les a jamais retrouvés)
Un Dia-Phuong-Quân sort tranquillement sa baïonnette et redresse la sentinelle qui est encore vivante. Phuoc lui demande :
– « Qu’est-ce que tu fous ?
– Ben… lui faire ce qu’ils ont fait à un de nos gars (allusion au DPQ décapité il y a quelques jours par les Viêt).
– T’es fou ? Bâillonne-le et ligote-le, on le questionnera plus tard.
– Mais …
– Pas de mais ! Tu sais que le lieutenant colonel Tuòng n’aime pas qu’on maltraite les prisonniers. Si tu touches à ce mec, je suis sûr que t’auras une permission derrière les barreaux pour des années.
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Jour J, Heure H
Du côté des Biêt-Dông-Quân : peu avant 0 heure, une compagnie de Biêt-Dông-Quân (rangers) encercle silencieusement la tour d’observation Dài Kiêm Bao prise par l’ennemi et se tient prête.
Avant que le soleil ne se lève, à 5 heures, les rangers sud-vietnamiens déferlent en hurlant sur les positions ennemies et les nettoient à l’aide de grenades et de courtes rafales de M 16.
En moins d’une demi-heure, les soldats d’élite appartenant à la division communiste Sao Vàng (Etoile dorée) sont laminés et rares sont ceux qui arrivent à s’enfuir en laissant armes et bagages.
Du côté des Dia-Phuong-Quân : Connaissant bien le relief, les forces locales Dia-Phuong-Quân sont arrivées vers 4 heures du matin à proximité des positions ennemies sur la montagne Gênh, après avoir neutralisé discrètement plusieurs sentinelles en cours de route.
A 5 heures du matin, au signal du lieutenant Phuoc, les gars de la compagnie 1/209 lancent plus de cent grenades sur les Viêt-Công, les surprenant totalement. Très peu de soldats rouges réussissent à s’enfuir. Du côté de forces locales du lieutenant Phuoc, un seul blessé léger, touché par un éclat de sa propre grenade
Du côté de l’infanterie : Après avoir escaladé de nuit la montagne Nui Bà, un bataillon de la 22e division d’infanterie sudiste, commandé par le capitaine Tri, se retrouve derrière les ennemis qui encerclent la base Dê Gi.
De deux autres côtés, deux autres bataillons de la 22e sont aussi fin prêts.
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A 5 heures du matin, les piétons de la 22e, venant de 3 directions différentes, déferlent sur les Rouges qui, surpris, n’offrent que peu de résistance. L’Etat-Major rouge est même obligé de s’enfuir en abandonnant ses sacoches bourrées de documents.
Du côté de la cavalerie : A 5 heures du matin, le régiment de chars sudistes M 113 arrive sur la plage de sable au sud de la base Dê Gi et ouvre le feu sur les batteries ennemies. Fuite des Viêt-Công qui laissent sur place de nombreux canons sans avoir le temps de les détruire.
Après avoir brisé l’encerclement, la chasse…
Au bout de cinq jours, le tableau de chasse présente de nombreux canons, de nombreuses mitrailleuses, des centaines de cadavres des soldats de la division Sao Vàng (Etoile dorée), des dizaines de prisonniers et d’innombrables armes individuelles. Pratiquement les trois quarts de la division Sao Vàng est détruite.
Du côté sud-vietnamien, un bilan de rêve : Pas un seul tué, pas un seul civil touché, pas une seule habitation détruite. On comprend que les civils des deux districts de Phù Cat et Phù My portent le lieutenant colonel Tuòng dans leur coeur.
Le 6e jour, le président de la république Nguyên Van Thiêu invite les ambassadeurs de nombreux pays étrangers à la base Dê Gi pour montrer les preuves de la violation du cessez-le-feu commise par les Nord-Vietnamiens. Un festin réunit les Etrangers et les Vietnamiens, avec au menu : la salade de riz au poisson qui est le plat préféré des forces locales Dia-Phuong-Quân.
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Dans le courant du mois de juin 1973, un Viêt-Công se rend. Il s’agit du sieur Vo Van Ung, l’initiateur du siège de Dê Gi. Après son échec, il est rétrogradé et sa famille restée au Nord est envoyée en ‘‘vacances surveillées’’. Fatigué des blâmes et obligé de se méfier nuit et jour de tout son entourage, l’ex-commandant a préféré se rallier aux forces sud-vietnamiennes.
Vo Van Ung est natif de Bình Dinh et a commencé sa carrière militaire comme simple bidasse. Il a grimpé tous ses échelons au combat et comme initiateur d’opérations. C’était un pilier de la fameuse division communiste Sao Vàng à qui il a offert de nombreuses victoires. Le commandant déchu demande à voir celui qui l’a battu dans la bataille de Dê Gi.
A l’entrevue, le commandant déchu communiste s’étonne ainsi :
– « Pourquoi n’avez-vous pas utilisé l’aviation pour pourchasser et détruire le reste de mes troupes ?
Le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng répond doucement :
– « J’y ai pensé, figurez-vous. Mais bombarder ou mitrailler vos fuyards aurait risqué de toucher des maisons et des civils innocents. Je préférais éviter la perte d’une vie humaine dans la mesure du possible.
Le commandant communiste déchu se met au garde-à-vous et salue respectueusement son ancien adversaire.
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14. L’aéroport Phù Cat
Le narrateur : Trân Thuc Vu :
– Né dans le Nord-ViêtNam
– Offi cier d’observation aérienne de la 219e escadrille Head hunter
– Adjoint au QG de la guerre psychologique de la zone de Bình Dinh
– Adjoint au PC des opérations de zone de Bình Dinh
Contrairement aux apparences, ce soldat (T. N. Hôi) appartient à l’aviation. Il fait partie du dispositif de défense extérieure d’une base aérienne et son arme semble être un PM Thompson calibre 11,43.
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L’aéroport Phù Cat
(Trân danh giãi tõa phi truòng Phù Cat)
(cette narration fait suite au chapitre précédent)
Après la défaite concédée devant la base Dê Gi, la division nord-vietnamienne Sao Vàng est pratiquement détruite, et les activités communistes dans la province de Bình Dinh sont presque inexistantes.
Les Biêt-Dông-Quân des 4e et 6e groupes de bataillons stationnent dans les points sensibles Hoài Nhon et Tam Quan, tandis que les forces locales sécurisent les deux routes nationales 1 et 19. Si les activités ennemies sont rares, cela n’empêche pas les soldats sudistes de la province de s’entraîner nuit et jour, car ‘‘l’inactivité n’est pas bonne pour le moral’’.
Bref, tout va pour le mieux du monde dans la province de Bình Dinh, et dans son aéroport militaire Phù Cat.
L’aéroport Phù Cat et la base attenante ont été construits dans les années 1966-1967 par le génie de l’aviation américaine. La base s’étire dans l’axe sud-ouest / nord-est, depuis la montagne Vân Son jusqu’à la montagne Môt, à côté de la rivière Côn. La très longue piste permet de faire atterrir et décoller des avions à réaction.
Après le départ des Américains, la base est transférée sous le commandement du colonel Nguyên Hông Tuyên et devient celle du 60e groupe d’escadrilles de chasse.
Un dimanche matin du mois de mai 1974, l’adjudant Nguyên Dình Dôc, préposé à l’écoute au 2e bureau, saisit un message bizarre transmis sur les ondes des Viêt-Công :
« Quân ach chu bài dã vào vi-tri tâp kêt », c’est à dire :
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« Les atouts du jeu de carte sont dans la position pour s’engager ».
Des messages bizarres, le Centre d’écoute du 2e bureau en reçoit plusieurs par jour. Mais poussé par un certain instinct, l’adjudant Dôc le montre au lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng (le gouverneur de la province, le colonel Hoàng Dình Tho est parti à Sàigon pour une réunion d’Etat-Major).
Le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng est un officier qui cherche à être au courant de tout ce qui se passe dans sa zone de commandement, mais également de ce qui se passe chez l’ennemi. Il a même créé des petits groupes de reconnaissance qu’il envoie dans les montagnes environnantes pour glaner des nouvelles.
Après un instant de déductions et de recoupements, le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng arrive à cette conclusion : le message bizarre veut signifier que la division communiste Sao Vàng est prête à attaquer un objectif très important. Et quel est l’objectif le plus important dans cette province, sinon la base aérienne de Phù Cat ?
Le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng contacte aussitôt le commandant de la base aérienne, le colonel Nguyên Hông Tuyên et réclame une réunion d’urgence. Le colonel de la base envoie illico un hélico pour ramener le lieutenant colonel Tuòng.
Pour garder le secret, seuls deux autres officiers assistent à cette réunion d’opération, en dehors des deux colonels. (le narrateur est l’une des 4 personnes présentes à cette séance de travail).
Il ressort que l’ennemi, la division Sao Vàng, a recomplété ses effectifs avec des troupes fraîches et s’apprête à s’emparer de la base aérienne du 60e groupe d’escadrilles. La base et l’aéroport sont sous la garde des ‘‘rampants’’ de l’aviation, renforcés par le 263e bataillon des forces locales Dia-Phuong-Quân dirigé par le commandant Pham Huu Ky. Mais comme la piste et la base s’étirent en longueur, les défenseurs sont obligés de couvrir tout le périmètre, et donc de se diviser en de petits groupes.
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Le côté est de la base jouxte les trois district d’An-Nhon, Phù Cat et Tuy Phuoc dont les nombreux habitants auraient signalé le déplacement de l’ennemi. La pointe d’attaque de l’ennemi viendra certainement de l’ouest, de la montagne Vinh Thanh où quelques rares bergers et bûcherons subsistent. La montagne Vinh Thanh est couverte de forêts touffues qui abritent des sentiers et des ruisseaux favorables aux déplacements invisibles des troupes ennemies venant du Laos.
A l’ouest de la base se trouvent aussi deux collines qui font partie du dispositif de défense de l’aéroport : une au nord-nord-ouest qui est tenue par une section (50 hommes environ) des forces locales Dia-Phuong-Quân et l’autre à l’ouest, gardée par une section des milices Nghiã-Quân et appelée point fortifié 151.
Le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng évalue la force d’attaque ennemie à un régiment, voire plus (trois mille hommes) avec de l’artillerie, des canons DCA (Défense Contre Avions) et certainement des missiles Sol-Air SAM 7.
D’autre part, grâce à des fuites, l’ennemi doit être au courant de toutes les positions importantes de la base : emplacement du QG, réserves de munitions et surtout stationnement des avions.
Le commandant de la base, le colonel Tuyên, décrète l’état d’alerte à 100 % et rappelle tous les permissionnaires. Comme force de réserve pour défendre le QG de la base, le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng ne dispose que de la ‘‘double-compagnie’’ de reconnaissance de son QG -sous la direction du lieutenant Khuynh- soit 250 hommes habitués à se cacher et observer dans la forêt et non à supporter le choc des attaques frontales.
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A ce moment, un convoi de camions remplis de Biêt-Dông-Quân (rangers sud-vietnamiens) traverse la province de Bình-Dinh en direction du camp d’entraînement Lam-Son. Le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng doit palabrer longtemps avec le général Phan Trong Chinh des BDQ (rangers) pour ramener ces bérets marron à la base aérienne. Et encore, ces BDQ ne joueront que le rôle de défenseurs, c’est à dire qu’ils ne devront participer ni à une contre-offensive ni à une opération de recherche (il est vrai que la plupart des BDQ en question sont des bleus qui sortent de l’école).
Le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng voudrait aussi avoir à sa disposition le régiment de tanks en stationnement à An-Khê, mais leurs supérieurs sont tous en réunion à Sàigon. Qu’à cela ne tienne, Le lieutenant colonel se fait déposer par hélico au QG du régiment de chars et prétend qu’il en est le nouveau ‘‘Patron’’. Il ordonne aussitôt au régiment de cavalerie de faire route vers Bình Khê et d’attendre ses ordres.
Le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng dévoile ses intentions au chef du régiment des chars : accompagnés de deux compagnies de reconnaissance, les tanks doivent attaquer l’aile sud de l’ennemi et couper ses forces en deux. Les tanks doivent rouler sans s’arrêter pour s’occuper d’éventuels prisonniers ou des armes à récupérer. Pendant ce temps, les Biêt-Dông-Quân de la base feront diversion en réceptionnant l’ennemi de face.
Envoyer des chars accompagnés d’une unité de reconnaissance attaquer un ennemi dont on ignore tout, ce n’est plus de l’audace. C’est de l’imprudence quasi-suicidaire qui peut conduire le lieutenant colonel téméraire devant le tribunal militaire. Mais dans la guerre, comme dans la vie, seuls ceux qui n’osent rien faire ne se trompent jamais.
Pour parfaire son dispositif, le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng offre un vol de reconnaissance en hélico au lieutenant Khuynh des ‘‘recon’’ et au lieutenant My des tanks. Rien ne vaut l’observation aérienne avant un affrontement au sol.
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Dimanche dans la nuit
Comme prévu, les bombardements ennemis se déversent sur la base et ses alentours. Le bataillon d’éclaireurs de la division Sao Vàng communiste déferle sur le point fortifié 151 situé sur une colline et tenu par une petite section de miliciens locaux, les Nghiã Quân de Bình Khê. Après avoir enlevé ce point 151, les Rouges y installent leur artillerie pour pilonner la piste d’atterrissage de l’aéroport.
La colline 69, située au nord-nord-ouest, est un point fortifié tenu par une section du 263e bataillon sudiste qui résiste aux coups de butoirs de l’ennemi. Les Rouges croyaient bénéficier de l’effet de surprise alors qu’ils sont attendus de pied ferme par les défenseurs.
Du côté des Biêt-Dông-Quân (dont la plupart n’ont encore jamais connu le feu, rappelons-le) la ligne de défense résiste avec de l’artillerie déguisée en… chars d’assaut. Les Viêt-Công croient qu’une unité de chars est à l’intérieur de la base et concentrent leurs tirs sur des chars factices (en bois).
A ce moment, les vrais chars sudistes apparaissent sur l’aile gauche des assaillants. Les chars ouvrent le feu, en tir tendu, et les gars de la ‘‘reconnaissance’’ qui accompagnent les chars joignent leurs tirs à ceux des tankistes. Les ‘‘recon’’, habitués à se cacher dans la jungle, se paient même le luxe de donner l’assaut pour balayer les soldats d’élite de Sao Vàng.
En Français, on pourrait sortir la phrase classique : « Tel est pris qui croyait prendre »
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La surprise est totale chez l’ennemi rouge. Le bataillon d’éclaireurs Viêt-Công qui a pris le point fortifié 151 n’a pas le temps de savourer sa victoire. En pleine nuit, les ‘‘recon’’ sudistes du lieutenant Khuynh attaquent à la grenade le point 151. Le chef Viêt-Công est tué dès le début de l’engagement et la débandade s’ensuit aussitôt chez ses hommes. Des dizaines de corps jonchent le sol, alors que, comme par miracle, aucune perte chez les Sud-Vietnamiens !
Le lieutenant Khuynh ramasse une sacoche bourrée de documents grâce auxquels on découvrira l’objectif ennemi : Prendre la base aérienne, établir un camp retranché et envahir toute la province de Bình-Dinh.
En attendant, les rêves de conquête des Rouges se sont transformés en fuite éperdue. Et dans cette fuite, les Viêt-Công abandonnent armes, bagages et même tenues de combat (pour mieux se mélanger à la population ou se dissimuler dans la forêt. Cela n’empêchera pas les civils de capturer plusieurs Viêt-Công et de les ramener à la base quelques jours plus tard).
Le petit QG de Phù Cat engage la poursuite avec deux sections de milices Nghiã-Quân héliportés. Les Nghiã-Quân ont leurs morts du point 151 à venger et sans l’intervention expresse du lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng, il y aurait eu moins de prisonniers.
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Au bout de 48 heures, bilan de la bataille de l’aéroport Phù Cat :
Dans le camp ennemi de la division Sao Vàng :
– Des centaines de tués ou blessés
– Des dizaines de prisonniers, dont plusieurs officiers
– D’innombrables armes automatiques et semi-automatiques
– Une pièce de 122 en état de fonctionnement
– 4 mortiers de 82 non sabotés
– 1 mortier de 120 non saboté
– Plus un lance-roquettes de fabrication récente chinoise. Ce lance-roquettes est doté d’un viseur à infra rouge tellement inédit que les Américains l’ont emprunté pour l’étudier.
Côté sud-vietnamien :
Très peu de pertes, sauf pour les nghiã-quân du point fortifié 151 qui ont été submergés par un ennemi 20 fois plus nombreux, dès le début de l’engagement.
Deux lieutenant-colonels de la base aérienne sont promus colonels, tandis qu’un grand nombre de soldats, sous-officiers et officiers sont montés d’un grade.
Quant au lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng, il s’est vu décerner un blâme et trente jours d’arrêts par l’aspirant- général Câm –commandant en second du 2e corps d’armée-, pour avoir dirigé un régiment de chars sans en avoir l’autorisation ! Rappelons pour mémoire que lors de la bataille de Phù Cat, le brave général Câm était à Sàigon, en train de ‘‘conférencer’’ dans quelque dancing.
Cette décision a révolté le colonel Nguyên Hông Tuyên et tous les hommes de la base aérienne Phù-Cat. Même le grand patron de l’aviation sud-vietnamienne, le général Trân Van Minh est outré par cette décision. En juin 1974, le général Minh a pris l’avion pour Bình-Dinh et devant un parterre d’aviateurs de tous grades, déclare :
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– « Le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng, bien qu’il fasse partie de l’armée de terre, est LE bienfaiteur de l’aviation et je demande que dorénavant, tout ce qu’il désire soit satisfait en priorité ! Tout ce que le lieutenant colonel demande, prenez-le comme s’il s’agissait de mes propres ordres !»
La coopération aviation-infanterie dans la province de Bình-Dinh sera telle que les avions battront tous les records quand ils seront appelés par les unités de M le lieutenant colonel Tuòng. Quant aux pilotes, ils savent que ces unités de terre ne les laisseraient pas tomber, même s’ils tombaient en zone ennemie.
Plus tard, vers août 1974, lors d’une réunion au sommet d’Etat-Major à Sàigon, en présence du Président de la République, du général Trân Thiên Khiêm (qui tient aussi le poste de Premier ministre) et du général Cao Van Viên (chef du GQG), le général d’aviation Trân Van Minh évoque à nouveau l’injustice commise envers l’officier Nguyên Manh Tuong.
Le général Cao Van Viên lui répond :
– Il n’y a plus de poste de colonel dans mes dossiers
– Dans ce cas, je le nommerai colonel d’aviation, réplique le général Trân Van Minh
Le général Trân Thiên Khiêm a aussitôt signé le décret nommant colonel monsieur Nguyên Manh Tuòng. C’est une récompense tardive pour un homme, un vrai.
Du côté de l’ennemi, le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng a déjà reçu une récompense bien plus ‘‘parlante’’: Sa tête est mise à prix pour une somme exhorbitante pour l’époque (100 000 dollars US, il me semble), ce qui n’est jamais arrivé à un quelconque général.
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Après sa promotion au grade de colonel, je n’ai plus revu le colonel Tuòng. Puis l’Enfer a débarqué au Sud-ViêtNam un certain 30 avril 1975.
J’ai retrouvé l’officier de Bình Dinh un jour d’hiver 1977 dans un camp de ‘‘rééducation’’ situé à Hoàng Liên Son (Nord-ViêtNam) Je l’ai salué longuement avant que nous ne tombions dans les bras l’un de l’autre. Les tortures, les maltraitances, les vexations ou les jeûnes forcés ne semblaient pas avoir eu de prise sur lui. Toujours cet air calme et résigné.
On nous a séparés et je ne l’ai revu qu’en 1984, dans le camp en plein air Z 30 A, le camp dont seule la moitié des internés revenait. L’ex-colonel Tuòng me confia qu’il avait résisté aux humiliations, aux maltraitances et aux maladies grâce à la méditation. Il me montra alors la méditation et la respiration afférente :
« Inspiration profonde, longue, calme, lente … »
Quand il recevait des cadeaux de sa famille ou de quelque organisation de charité, il s’empressait de les partager avec les autres prisonniers, ne gardant pour lui que les pots de pâte de soja salé (hu tuong). Cet homme, dont la tête avait été mise à prix, forçait le respect des autres misérables et même de ses géôliers.
En 1987, je fus libéré. En 1992, je retrouvai M Nguyên Manh Tuong dans une baraque délabrée de la rue Công Ly. Il vivait seul et allait souvent méditer dans un coin de la pagode Vinh Nghiêm de Sàigon.
En 1993, le gouvernement communiste me mit en prison de nouveau car, paraît-il, je ‘‘portais atteinte à la sécurité de l’état’’. Grâce à l’intervention des associations internationales, je fus libéré en 1998 et extradé aux Etats-Unis l’année suivante.
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Sur cette ‘‘terre d’accueil’’ (même si les Etats-Unis ont abandonné leurs alliés vietnamiens en 1975) je revis l’ex colonel de Bình Dinh. J’ai dû insister plusieurs fois sans pour autant qu’il accepte que j’écrive sur lui. Pour lui, tout était oublié, tout appartenait au passé, et nous devions vivre dans le repentir car nous portons notre part de responsabilité dans la perte de notre pays.
A la fin, j’ai fini par avancer l’argument principal : écrire sur lui, ce serait redonner en partie l’honneur perdu au soldat sud-vietnamien. Le lion de Bình Dinh a alors accepté.
Par Trân Thuc Vu
(en hommage à Nguyên Manh Tuòng)
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15. Monsieur Nguyên Manh Tuòng
A l’Etranger, nombreux sont les soldats sud-vietnamiens qui se sont réunis au sein d’amicales, de clubs ou autres associations.
L’une de ces associations regroupe des écrivains d’origine militaire et se nomme nhom nhung nhà van quân dôi = ‘‘le groupe des soldats-auteurs’’. Le livre ‘‘Nhung Trân Danh Không Tên Trong Quân Su’’ traduit ici par l’auteur francophone TS4 est l’oeuvre de cette association
Au moment de mettre sous presse, en décembre 2002, le groupe des soldats-auteurs reçoit tout un dossier sur celui qu’on a surnommé ‘‘le lion de Bình Dinh’’. L’auteur du dossier, bien qu’ayant signé sa lettre, demande l’anonymat (car il a encore de la famille au Viêt-Nam et craint les représailles)
Cette personne a très bien connu le colonel Nguyên Manh Tuong et se permet d’ajouter certaines précisions sur ce héros peu connu et qui est toujours vivant.
A son tour, l’auteur francophone vous propose ci-dessous les traits les plus marquants.
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Monsieur Nguyên Manh Tuong
Dossier principalement rédigé par le colonel NTD (qui a demandé l’anonymat) :
– Né à Duyên Hà (en ?), M Nguyên Manh Tuòng était de la 5e promotion de l’Ecole des Officiers de réserve Thu-Duc (à 15 Km au nord de Sàigon) Cette promotion était appelée promo Vì dân (c’est à dire ‘‘Pour le peuple’’)
– Un élève-officier de cette promotion est devenu le colonel NTD. Un autre élève-officier de cette promo est devenu le général Lê Van Hu’ng.
– D’après un ancien conseiller américain qui est devenu agrégé en Histoire, l’amour que porte M Nguyên Manh Tuòng pour sa Patrie est plus fort que ceux de tous les généraux sud-vietnamiens réunis.
– Peu de gens savent que M Nguyên Manh Tuòng est quatre fois major de promotion :
1) Major de promotion lors du stage de transmissions au Fort Benning(USA) en 1956
2) Major de promotion à la Formation au Commandement, à l’Ecole des Hautes Etudes Militaires en 1960
3) Major de promotion de la formation à la Direction au GQG, à l’Ecole Inter-Armes de Dàlat
4) Major de promotion au stage de Direction de la Tactique ( Tactical Commander) en 1972
– On racontait que le général dirigeant le GQG de Sàigon (celui qui n’avait jamais quitté son confortable fauteuil de Sàigon ni son cigare) disait de Nguyên Manh Tuòng : « Il ne faut pas le faire ‘‘monter’’ trop vite, sinon il nous dépasserait ! »
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– Toujours selon ce général qui faisait la guerre dans son bureau climatisé : « Il ne faut pas le ramener à Sàigon car il pourrait bien nous faire un putsch ». C’est ainsi que le lieutenant colonel fut muté dans les Hauts Plateaux de la province de Bình Dinh, en 1972.
– D’après le conseiller américain devenu historien, l’aéroport Phù Cat (province de Bình Dinh) est vraiment passé à côté de la destruction totale, en mai 1974, grâce à un seul homme : le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuong. S’il n’avait pas eu cet instinct, ce sens de la déduction et ce talent de tacticien, non seulement l’aéroport Phù Cat aurait été réduit en cendres avec ses Jets de plusieurs millions de dollars, mais toute la province de Bình Dinh serait tombé sous le joug communiste dès 1974.
– Selon ce conseiller américain, les généraux qui avaient en charge la zone de combat de cette province étaient jaloux de ce lieutenant colonel car leurs propres troupes n’arrivaient à aucun résultat, alors que leurs conseillers alliés ne juraient que par ce ‘‘petit’’ lieutenant colonel.
– Le seul général qui avait de la sympathie pour ce « petit » lieutenant colonel était le général Trân Van Minh, commandant en chef de l’aviation sud-vietnamienne. Lors du gala de victoire à la base aérienne Phù Cat en juin 1974, le général Minh s’adressa à tout le parterre d’officiers d’aviation –dont beaucoup de colonels récemment promus- et désigna le seul invité issu de l’infanterie :
« Mes amis de l’aviation ! Regardez bien ce héros, ce lieutenant colonel de l’infanterie. Je n’ai jamais connu un ‘‘piéton’’ qui ait si bien défendu l’aviation comme ce monsieur 81 (81 est le nom de code radio de M Nguyên Manh Tuòng) Si vous êtes encore là à boire et à danser, c’est grâce à ce piéton. Dorénavant, si monsieur 81 demande quelque chose, faites comme si c’était moi-même qui vous l’ordonnais. Même s’il fallait prendre un Jet à réaction pour l’emmener en permission, faites-le ! Et si dans un dancing vous le rencontrez, ne l’embêtez pas car vous aurez affaire à moi ! »
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– Plus tard, lors d’une réunion au GQG à Sàigon, le général Trân Van Minh a de nouveau évoqué le cas du lieutenant colonel, à qui on avait ‘‘oublié’’ de donner une promotion bien méritée. Il a même proposé de prendre le ‘‘colonel’’ Tuòng sous ses ordres, dans l’aviation. C’est au cours de cette réunion que la promotion du colonel Nguyên Manh Tuòng fut signée par le général Trân Thiên Khiêm.
– Après la guerre, certains historiens (dont des historiens américains) ont interviewé le général rouge Chu Huy Mân à propos de l’opération Dê-Gi. Ce dernier a répondu :
« Après la défaite, j’ai rétrogradé le commandant Vo Van Ung au grade d’aspirant lieutenant car il a sous-estimé monsieur Nguyên Manh Tuòng. Ce lieutenant colonel est un excellent officier, plein de talent et sans défaut. »
– Le général rouge Chu Huy Mân était un ami personnel de Hô Chi Minh et le haut-responsable militaire de la 5e zone militaire englobant plusieurs provinces du Centre. Il a exprimé toute son admiration pour son ennemi, le lieutenant colonel Nguyên Manh Tuòng et l’a placé bien au-dessus du général Cao Van Viên, celui qui faisait la guerre dans un bureau climatisé du GQG.
Conclusion du colonel NTD :
Jalousé et ‘‘saqué’’ par les généraux qu’il avait servis loyalement, mon ami Nguyên Manh Tuòng a reçu en fait trois citations émanant de trois armées différentes :
– Celle de l’armée du Sud-ViêtNam, de la bouche même du général d’aviation Trân Van Minh
– Celle de l’armée des Etats-Unis, par la voix de plusieurs conseillers (après la guerre, nombreux furent les Américains qui sont intervenus pour faire sortir le colonel des camps de concentration communistes)
– Celle de l’armée populaire du Nord-ViêtNam, par la parole admirative du général rouge Chu Huy Mân.
Par NTD, le 4 juillet 2002
En hommage à Nguyen Manh Tuong |
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